Quand on est offensé par son prochain, et que l’on s’abstient de lui en faire la réprimande, on risque de développer à son encontre un sentiment de haine, et de vouloir se venger de lui, ou tout au moins de lui garder rancune. C’est à ce propos que la Torah nous met en garde et ordonne : « Tu ne haïras pas ton frère en ton cœur ; aie soin de réprimander ton prochain, et tu ne porteras pas de faute à cause de lui. Tu ne te vengeras point, ni ne garderas rancune aux enfants de ton peuple, et tu aimeras ton prochain comme toi-même, Je suis l’Éternel » (Lv 19, 17-18).
Qu’est-ce que la vengeance, qu’est-ce que la rancune que la Torah interdit ? Si Ruben demande à Simon de lui prêter son marteau et que Simon refuse ; que, le lendemain, Simon vienne demander à Ruben de lui prêter son tournevis ; et que Ruben dise à Simon : « Puisque hier tu ne m’as pas accordé le prêt du marteau, je ne te prêterai pas mon tournevis », Ruben enfreint l’interdit « Tu ne te vengeras point ». S’il dit à Simon : « Constate que je ne suis pas méchant comme toi ! Tu n’as pas voulu me prêter le marteau, mais moi j’ai pitié d’un misérable comme toi, aussi je te prêterai mon tournevis », il enfreint l’interdit « Tu ne garderas point rancune ». Nos sages ont enseigné : « À quoi cela ressemble-t-il ? À un homme qui marchait, dont le pied a chancelé, et qui est tombé, se blessant la main. Se peut-il que la main prenne un marteau pour briser la jambe afin de se venger de la blessure qu’elle lui a causée ? » Ainsi, tout Israël doit ressentir qu’il est une seule et même âme, partagée en différents membres ; aussi ne convient-il pas que, lorsque l’un des membres est blessé par tel autre, il lui rende sa blessure, ajoutant encore douleur et souffrance.
Que faut-il donc faire ? Le mieux est de réprimander son prochain avec affection et amitié, afin de prévenir la formation de quelque animosité entre lui et soi. Et il est préférable de faire cela avant que notre prochain n’ait besoin de nous demander un service, car, au moment où il aura besoin de notre service, la réprimande risque de l’offenser. Cependant, si, malgré la valeur de la mitsva de réprimande, on préfère s’abstenir de la formuler, soit parce que l’on est gêné de réprimander son prochain, soit parce que l’on craint que ladite réprimande n’envenime la situation, on aura l’obligation d’effacer l’affront de son cœur. En effet, dès lors que l’on ne réprimande pas son prochain, on n’a aucun droit d’être fâché envers lui. On est certes fondé à s’éloigner quelque peu de lui, afin de ne plus s’exposer à quelque autre vexation, mais il est interdit de se conduire envers lui de manière hostile, ou de l’ignorer. Si donc on le rencontre, on le saluera, et s’il nous demande quelque service, on l’aidera de bon cœur.
Grâce à l’observance de ces mitsvot, la majorité des disputes sont réfrénées, car même quand l’une des parties ne s’est pas comportée correctement, la dispute ne continue pas de se développer, dès lors que l’autre partie se garde de toute vengeance ou rancune. Celui qui surmonte son penchant au mal, et s’abstient de haïr les créatures, de se venger ou de garder rancune, a le mérite d’accéder à la vertu de modestie, qui lui permettra de regarder le monde avec bienveillance, de se réjouir de la vie, de diriger ses forces vers le développement de ses talents et de remplir son destin. De plus, on méritera d’avoir davantage d’amis, et moins d’ennemis.